Les évènements de cette
journée déclenchèrent une crise
économique mondiale qui mena à la déflation et à un
accroissement significatif du chômage. Aux Etats-Unis, le capitalisme
montrait ses limites et jetait dans la rue et sur les routes une population
découvrant les fragilités du système. De nombreux films évoquent
cette période particulièrement tragique. Ils restituent parfaitement
l'ambiance mais aussi les espoirs, les combats, les luttes de ceux qui furent
les victimes de l'autre face du rêve américain.
Le cinéma de la Grande Dépression
Le cinéma américain des années 30 qui correspond à l’age d’or des grands studios doit assurément
quelque chose à la Grande Dépression. Malgré un taux de chômage approchant les 25% de la population active en 1933,
les salles vont se remplir. Le cinéma constitue alors un loisir peu onéreux qui offre aux spectateurs des images
consolantes de rêves et d’évasion. Films musicaux, comédies, mélodrames, drames exotiques, grands spectacles
historiques, aventures flamboyantes permettent d’oublier la triste réalité du quotidien.
Cependant, tous les films hollywoodiens n’ignorent pas
la réalité sociale de l’époque. D’inspiration réformiste,
les productions de la Warner privilégient les sujets tirés de l’actualité. Elles
brossent un portrait réaliste de
l’Amérique des années 30. Little Caesar (Mervyn LeRoy, 1931) et L’Ennemi
public (William A. Wellman, 1931) décrivent
sans complaisance les milieux de la pègre et feront date dans l’histoire du
film criminel. Il ne s’agit pas seulement
d’exploiter les méfaits de la crise comme le gangstérisme mais aussi de délivrer
un discours d’émotion et d’indignation,
teinté d’un profond humanisme. Je suis un évadé (LeRoy, 1932)
dénonce
les injustices du système carcéral, Wild boys on
the Road (Wellman, 1933) les drames de la Dépression.
Face au dirigisme étatique de la politique du New
Deal, un cinéaste comme Franck Capra oppose l’entreprise solitaire
de quelques héros ordinaires décidés à bousculer le fatalisme de l’époque. "Le
rêve américain", nous dit-il,
"ce n’est pas l’argent mais le bonheur et la liberté". Pourtant,
lorsqu’il
réalise
en 1946 La Vie est belle,
le cinéaste semble touché d’une profonde amertume. Son personnage George Bailey
passe pour un dangereux rêveur.
On voit dans ce film merveilleux, emprunt d’un humanisme sincère, une très
belle description de l’Amérique des années
20 et 30. La panique qui s’est emparée du pays lors du Jeudi noir y est parfaitement
relatée. Deux autres films nous
laissent aujourd’hui un témoignage unique sur ce que fut cette période de la
Grande Dépression.
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De nombreux chefs d'oeuvre
Premier film sonore (mais presque entièrement muet) de Charles Chaplin,
Les Temps modernes (1936) reprend le personnage de Charlot, le vagabond devenu ouvrier, qu’il plonge dans l’enfer du
taylorisme. L’organisation de l’entreprise pour une bonne rationalité et une meilleure rentabilité est aux yeux du
cinéaste la cause première de la crise. Devant cette déshumanisation du travail, Charlot incarne le refus. Il perd son
emploi et découvre les réalités de l’époque. Chaplin nous montre les bidonvilles, les problèmes que rencontrent les
individus pour survivre, et surtout, il filme la répression qui s’abat sur les victimes du système. Peu de films de
cette période ont montré comme Les Temps modernes l’agitation sociale qui grondait dans le pays.
On retrouve cette révolte des malheureux et sa répression
inévitable dans Les
Raisins de la colère
(1940) de John Ford. Cette adaptation du célèbre roman de John Steinbeck évoque
le destin d’une famille de paysans contraints
de quitter leur terre et de se lancer sur la route à la recherche d’un
monde meilleur. Arrivés en Californie,
ils découvriront que le rêve américain n’est qu’une illusion. Exploitation,
rejet, mépris, sont leur lots
quotidiens. Ce combat pour la "dignité" (terme régulièrement employé dans
le film) d’hommes et de femmes provoque
le réveil d’une conscience collective qui débouche inévitablement sur
la création de groupements de syndicats. |